La Coupe du Monde 1998 mémorable de la Croatie

La plupart des amateurs de football savent que la guerre en Yougoslavie au début des années 90 a été un tournant majeur pour les différents pays qui ont obtenu leur indépendance et pour les joueurs impliqués. Le football yougoslave vivait une génération dorée pleine de talents, allant même jusqu'à remporter la Coupe d'Europe des clubs champions en 1991 avec l'Étoile Rouge de Belgrade, aujourd'hui connue sous le nom de Ligue des champions de l'UEFA.

Les supporters croates
La Croatie faisait partie des nombreux pays ayant obtenu leur indépendance à la suite de ce conflit et, sept ans après la guerre, elle participait à sa deuxième compétition officielle de football : la Coupe du Monde 1998 en France. Cette nation comptait parmi ses rangs certains des meilleurs joueurs que le football yougoslave avait produits à la fin des années 80 et au début des années 90, mais surtout, elle avait un point à prouver au reste du monde.

Le contexte

Après la dissolution de la Yougoslavie, de nombreux joueurs ayant des liens avec les nouveaux pays indépendants ont dû choisir quelle nation ils allaient représenter. Cette période fut controversée et marquante pour de nombreux talents d'Europe de l'Est, mais chacun a pris sa propre décision.

La Croatie avait un noyau de joueurs solides et est rapidement devenue une équipe nationale très compétitive. Si beaucoup ont découvert son potentiel lors de la Coupe du Monde 1998, la sélection croate avait déjà marqué les esprits lors de l'Euro 1996 en Angleterre, atteignant les demi-finales et s'inclinant 2-1 face à l'Allemagne, qui allait ensuite remporter le tournoi.

C'était donc une équipe qui savait déjà rivaliser au plus haut niveau et qui abordait la Coupe du Monde en France avec un objectif clair : non seulement prouver sa valeur, mais aussi montrer son attachement à son pays. C'était un message que l'entraîneur croate de l'époque, Miroslav Blazević, voulait transmettre, comme il l'a confié lors d'une interview avec Reuters en 2018 :

"J'ai tiré parti du patriotisme intense au sein de l'équipe", a déclaré Blazević. "Nous étions un pays méconnu, c'était donc notre chance de mettre l'équipe et toute la nation sous les projecteurs. Motiver les joueurs a été facile."


Au-delà de la motivation et du désir de faire connaître la Croatie sur la carte du football, la vérité est que cette équipe regorgeait de talents. Par exemple, Zvonimir Boban évoluait au sein du grand Milan AC, l'attaquant Davor Suker jouait pour le Real Madrid, et Robert Prosinecki était reconnu comme l'un des meilleurs joueurs d'Europe de l'Est tout au long des années 90.

Cette équipe avait tous les ingrédients pour rivaliser avec les meilleures sélections du monde, et elle allait le prouver en 1998.

Le tournoi en lui-même

L'équipe croate a réalisé une performance convaincante lors de la phase de groupes, battant la Jamaïque et le Japon pour se qualifier en huitièmes de finale, malgré une défaite 1-0 contre l'Argentine. Cependant, c'est à partir des huitièmes de finale que la Croatie a vraiment commencé à montrer de quoi elle était capable, notamment avec un but de Davor Suker qui leur a permis de battre la Roumanie de Gheorghe Hagi 1-0.

Davor Suker
Davor Suker
Suker a lui-même reçu une reconnaissance individuelle en devenant le meilleur buteur du tournoi avec six buts en sept matchs. Ce fait est particulièrement marquant car il a renforcé l'identité de cette génération dorée du football croate, avec l'un de ses joueurs remportant l'un des prix individuels les plus prestigieux de l'histoire du sport.

Le moment le plus marquant pour l'équipe croate a sans doute été les quarts de finale contre l'Allemagne. Ce match attirait énormément l'attention, non seulement parce que les Allemands étaient toujours de sérieux prétendants à la Coupe du Monde, mais aussi parce qu'ils étaient les champions en titre de l'Euro et avaient éliminé la Croatie en demi-finale de cette compétition. Autant dire que les Croates avaient soif de revanche.

L'un des tournants du match a été l'expulsion de l'Allemand Christian Wörns à la 40e minute, donnant un net avantage à la Croatie. Les Croates en ont profité pour s'imposer 3-0 grâce à des buts de Suker (évidemment), Robert Jarni et Goran Vlaovic.

Ce match a définitivement prouvé que la Croatie était une nation du football avec laquelle il fallait compter. Ce fut aussi un moment très important pour le pays, montrant qu'il pouvait rivaliser avec les meilleurs et possédait une génération de grands talents, inspirant de nombreux jeunes joueurs dans les années à venir.

La France et cette légendaire troisième place

La Croatie a atteint les demi-finales et a dû affronter la France, pays hôte du tournoi. Malgré un nouveau but de Suker pour égaliser en début de seconde mi-temps, le défenseur français Lilian Thuram a marqué un doublé, qualifiant la France pour la finale. L'ironie du sort pour les Croates, c'est que ces deux buts resteront les seuls que Thuram aura jamais inscrits avec l'équipe de France au cours de sa carrière internationale.

Cependant, tout n'était pas perdu, car la Croatie a réussi à monter sur le podium en battant les Pays-Bas lors du match pour la troisième place. Certes, ce n'était pas une finale, mais décrocher la troisième place dès leur première participation à une Coupe du Monde était un immense accomplissement.

La Croatie a ébloui le monde entier lors de cette Coupe du Monde et il est significatif qu'une autre génération, exactement vingt ans plus tard, soit allée encore plus loin en atteignant la finale de la Coupe du Monde 2018.